Quand je suis rentrée de la maternité avec mes parents quelques jours après ma naissance, ce ne sont pas des fées (quoique) qui se sont penchées sur mon berceau mais la tête de deux bons gros toutous qui, intrigués, venaient renifler le drôle de paquet qu’on leur ramenait. Le pacte était scellé, les chiens et moi ce serait à la vie, à la mort… J’en ai eu plusieurs dont trois vraiment à moi, des chiens de « quand on est adulte », qu’on choisit mais qu’on partage toujours un peu avec les grands-marrants, deux autres drogués des quatre pattes… Le Gros Chien, c’est mon troisième à moi, enfin à Magnus et moi, nous l’avons adopté ensemble deux ans après notre rencontre. C’était un peu notre premier gros engagement de couple, pensez donc une énorme bête à nourrir, promener, dont il fallait prendre soin… Celui-là sera le plus doux, le plus innocent, le plus paresseux, le plus grand aussi il faut bien le dire (un dogue de bordeaux c’est pas rien) et le plus pot de colle malgré ses soixante kilos dont il ne semble n’avoir aucune conscience (surtout quand il essaie de chevaucher une femelle caniche).
Aujourd’hui, même si j’ai toujours pensé qu’on ne pleure pas un chien comme on pleure un homme, j’ai le cœur lourd parce que le Gros Chien tire sa révérence. Tout en délicatesse puisqu’il nous épargne une longue réflexion, les doutes et la peur de mal faire. Il est très malade, il souffre et va bientôt souffrir encore plus, il n’y a donc pas à tergiverser, c’est notre devoir de maître de l’accompagner le plus doucement possible vers la fin. On dit souvent que les chiens ont un amour inconditionnel pour leur maître mais je pense que certains humains sont capables de ressentir la même chose pour l’animal qui partage leur vie. Sans indécence, sans les chérir comme des enfants, sans les couvrir de jouets hors de prix, juste un amour qui n’attend pas grand-chose en retour, juste passer du temps ensemble, dans le silence… Qu’il est reposant ce silence, cette absence de codes sociaux, ce laisser-aller total, cette confiance absolue que je trouve au côté de mes compagnons à quatre pattes et au museau humide. Bien sûr, je leur préfère souvent la compagnie des hommes, heureusement, mais je ne pense pas que je serais devenue tout à fait l’adulte que je suis si je n’avais pas grandi avec des chiens.
Aujourd’hui, je vais ranger la laisse, le panier et les croquettes, poser un voile pudique sur mes yeux et l’envoyer rejoindre le Petit Chien Chocolat et le Grand Braque dans un petit coin de mon cœur. Un endroit secret où je range précieusement leur image, leur odeur (même la mauvaise des oreilles) et les centaines de promenades faites ensemble. Plus de pipi de minuit, plus de chaises sur le canapé pour l’empêcher de monter dessus la nuit, plus de nettoyage d’oreilles purulentes, plus de gratouilles sur le ventre, plus de ronflements couvrant le bruit de la télévision… Je suis triste pour la Missnuscule car elle est trop petite pour garder un souvenir de lui et triste pour le Minus qui fait sa première rencontre avec Mme la Mort… Bien sûr, nous lui avons expliqué tout cela avec des mots de minus et nous lui avons dit que le Gros Chien ne sera pas vraiment mort puisque nous penserons souvent à lui et qu’il restera présent dans nos cœurs. Je ne regrette rien… même si l’on sait qu’un jour ils partiront et qu’on sera triste comme les pierres, le jeu en vaut largement la chandelle. Et puis bon, des chiens qui vous sauvent la vie ça n’arrive que dans les films, non ? Eh bien pourtant c’est sans doute au Gros Chien que Magnus, le Minus et moi-même devons la nôtre… Un incendie s’est déclaré une nuit dans l’appartement en travaux en dessous de chez nous et une fumée âcre commençait à se répandre à notre étage sans parvenir à nous réveiller… C’est le Gros Chien qui a senti que quelque chose de pas clair se tramait et est monté dans notre chambre me secouer et me mordiller la main jusqu’à ce que je daigne me réveiller, me bouger les fesses, faire sortir tout le monde et appeler les pompiers !!
Aujourd’hui, j’ai fait un pas de plus dans la vie d’adulte, j’ai accompagné moi-même, sans béquille et sans artifices mon Big Love vers son dernier voyage. Et ni la froideur d’un cabinet médical (réchauffé par notre formidable vétérinaire), ni les gestes techniques ne viendront ternir mes souvenirs. C’est en pleine course, en forêt, l’œil joueur et la bave à la gueule que je veux me souvenir du Gros Chien…
Goodbye Love…
Tous les likes et les commentaires de cet article ont été perdus dans la migration du blog… Désolée pour vos mots !
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