Lettre à Renaud…

Mon Cher Renaud,

Je ne sais pas très bien si je dois te tutoyer ou vous vouvoyer… Le « tu » de la tendresse ? Le « vous » du respect ? C’est difficile de choisir mais j’ai l’impression, même si je n’ai pas la prétention de te connaître, que tu n’aimes pas tellement les « vous » et les mains serrées et que tu leur préfères la chaleur d’une bise claquée sur la joue et du « tu » franc et direct. Tu me permettras donc de choisir à ta place et de t’écrire cette lettre sur le mode de la familiarité (comme dans famille). Et puis bon, finalement, c’est pas très grave hein, c’est pas comme si t’allais vraiment un jour lire cette missive…

lettre à Renaud

Mon Cher Renaud donc,

Il y a quelques jours, Magnus, pensant me faire plaisir, a acheté le « Paris Match » dont tu fais tristement, et peut-être à l’insu de ton plein gré, la couverture. A côté de ton visage cerné et fermé (désolée hein), le titre dit « Renaud face à son mal de vivre ». Quand mon mec, « celui que j’suis avec », me l’a ramené, j’étais occupée, j’ai donc jeté un œil sur la couverture et puis je l’ai posé sur le meuble de l’entrée. Depuis, il n’a pas bougé, je ne l’ai pas ouvert. Voilà plusieurs jours que le magazine et moi nous nous jaugeons, nous tournons autour, feignons l’indifférence… Et puis ce matin, toujours sans l’ouvrir, je l’ai jeté (tatatam) ! Avant je l’aurais lu, avidement, pour combler l’absence et avoir de tes nouvelles… Ne te méprends pas hein, ton mal de vivre, s’il est avéré et n’est pas le fruit de fantasmes de journaliste, m’intéresse au plus haut point mais que pourrait m’apprendre cet article ? Je ne vais pas te dire non plus que je te comprends, que j’ai vécu cela et que je peux t’aider… (Je ne sais d’ailleurs rien de ce que tu vis…) Ce n’est pas vrai, je n’ai croisé ta copine de solitude que ponctuellement et de loin et je me sens toujours fort démunie face au vague à l’âme. Barbara que tu aimes certainement aussi l’a si bien chanté ce mal de vivre et cette incapacité à aider ou être aidé (« Ils ont beau vouloir nous comprendre/Ceux qui nous viennent les mains nues/Nous ne voulons plus les entendre/On ne peut pas, on n´en peut plus »).

Non, honnêtement puisque tu fais triste mine et que finalement ici on est chez moi, j’ai plutôt envie de te parler de moi. Je suis née en 77, l’année où est sorti ton deuxième album « Laisse béton ». Mes parents sont de grands amateurs de tes textes et de tes chansons et j’ai été biberonnée à tes mélodies. La musique de mon enfance, c’est la tienne. « Mort les enfants » a été ma première prise de conscience politique, « Petite conne » a sans doute quelque chose à voir avec le métier que je fais, quand le Minus était petit je le berçais en lui chantant « Morgane de toi » et « Dans son sac » et « Ma gonzesse » sont les chansons d’amour qui me ressemblent le plus. Je pense que ton « vouloir trop plaire, c’est le plaisir des moches » dans « La pêche à la ligne »a joué un rôle dans la construction de ma conception de la féminité… Quand le Minus avait quatre, un soir, il a voulu se barrer de la maison et je lui ai évidemment chanté « tu peux pas te casser il pleut.. »… Avec Doudou, j’ai envie de partir en vacances et « En cloque » me fout les poils à chaque fois… « Hexagone » et « Mon beauf » pour faire la fête… « Putain de camion » pour se souvenir… « Chanson pour Pierrot » pour grandir… et la Pépette pour sourire… Il y a tout dans ton répertoire, tout ce qui compte dans ma vie : la tendresse, les mômes, l’amour, l’engagement, l’émotion, la fête, l’humour, la révolte, les copains… Mes premiers gros mots, c’est à toi aussi que je les dois. Bon, tu l’auras sans doute remarqué, je ne cite pas beaucoup de tes chansons récentes, c’est vrai que j’ai moins accroché avec tes deux derniers albums (à part « Son bleu » et « la Médaille ») mais bon, voilà, c’est pas grave, peut-être qu’à force de t’attendre on est devenus un peu exigeant… Je n’achèterai pas non plus l’album de reprise de « la bande à Renaud » qui est sorti il y a quelques semaines… C’est toi que j’ai envie d’entendre, de voir sur scène, de lire… Et puis quoi à la fin, t’as fait un pari avec JJG ? Le premier qui remonte sur scène est un gros naze ???

Moi, la première fois que je suis allée t’écouter, je devais avoir une vingtaine d’années. Oui, c’est tard pour une fan de la première heure et honnêtement, je ne me rappelle pas pourquoi cela ne s’est pas fait des années avant… Une vingtaine d’années, une rupture sentimentale dans les pattes et une immense boule dans la gorge quand tu es apparu… Ridicule sans doute mais l’impression de rencontrer enfin celui qui a enchanté des ses mots mon enfance, mon adolescence et aujourd’hui ma vie d’adulte… Au mois d’août, je vais passer quelques jours à Paris, je pourrais venir te déposer ce courrier à la Closerie des Lilas mais j’aurais trop peur que tu sois là en train de boire un verre… Attention hein, entendons nous bien, je m’en fous complètement que tu boives un verre ou même dix ou zéro, tu es un grand garçon, mais je dois t’avouer que je n’ai pas très envie de te rencontrer « pour de vrai ». Tout ceci est trop précieux, trop fragile, trop lié à l’enfance et à ce qui nous construit pour supporter la lumière crue et les échanges convenus…

Tu dois te demander pourquoi je te dis tout ça aujourd’hui. C’est vrai après tout, merde, t’es pas mort… Non, c’est vrai et je te souhaite de partir le plus tard possible mais je n’ai pas envie d’écrire tout cela après, de crier à ton génie (comme le feront certainement beaucoup) à titre posthume, de te comparer ce jour-là à Brel ou sans doute plutôt à Brassens… C’est de ton vivant, comme une bouteille à la mer, sans besoin d’être lue, que je voulais te dire « enfoiré on t’aimait bien, maintenant on est tous orphelins »… Tatatam …

 Tous les likes et les commentaires de cet article ont été perdus dans la migration du blog… Désolée pour vos mots ! 2500 personnes ont aimé cet article et nombreux l’avaient commenté, je sais bien que tous ces likes sont pour lui, merci !!
Maud Rendez-vous sur Hellocoton !

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