Ma petite fée aux ailes salées…

7 septembre 2016 9 No tags 1

Virginie est une lectrice de longue date du blog. Je la suis également, régulièrement, depuis plusieurs mois, sur Instagram. Virginie est la maman d’Éline, une petite fille délicieuse atteinte de mucoviscidose. Bien sûr, la maladie, n’est pas ce qui définit Éline ni sa maman. Elles sont tellement d’autres choses. Mais en découvrant un bout de leur histoire à travers les photos et les textes que Virginie poste sur son compte, je me suis vite rendu compte que je savais fort peu de choses sur cette maladie et sur le quotidien des minus qui en sont atteints et de leurs proches. Je suis également à chaque fois frappée par la force, le courage, la sagesse et la ténacité qui animent cette maman. Je me suis un jour dit que l’admirer en secret ou lui laisser un petit commentaire de temps en temps en dessous d’une photo n’était pas suffisant. J’avais envie d’en savoir plus, de m’informer et de vous informer par la même occasion. J’avais envie de mettre en lumière, le temps d’un article, une maladie dont chacun connaît le nom mais dont peu maîtrisent les implications. J’avais envie de laisser la parole à une maman courageuse, de lui laisser mettre ses mots sur ses maux. J’en profite aussi pour partager avec vous le lien de l’association muco (Muco.be), ils font actuellement une campagne sous forme de pétition pour le screening néonatal (dépistage systématique), si cela vous semble important, je vous invite à la signer et à en parler autour de vous. Enfin, avant de lui céder le clavier, je voulais remercier infiniment Virginie pour sa confiance. N’hésitez pas à lui poser des questions en commentaire, lui laisser tout simplement un petit message ou à partager son témoignage. Merci !

J’ai réécrit cent fois cet article.

Je ne sais pas trop par où commencer ni le ton qu’il faut employer…

Éline est une enfant merveilleuse. Un soleil. Gourmande de vie. Elle est, tout à fait objectivement, tout ce dont on peut espérer d’une petite fille de 21 mois.

Elle séduit chaque personne qu’elle rencontre par sa malice, son énergie et ses yeux immenses. Elle me rend folle de tendresse et rend son frère fou tout court.

Personne ne se doute une seconde en la voyant que notre petite fée est malade. Éline est née avec la Mucoviscidose, la maladie génétique la plus répandue en Belgique, en Europe et même dans le monde.

Ce fut une belle arrivée, sa naissance. Dans une maternité liégeoise réputée, après un travail en grande partie à la maison, puis deux petites heures de marche dans les couloirs et de jurons dans le col de l’Homme, en visualisant la mer. Une arrivée expresse, un peu « poussez vous de là, j’arrive ! » qui, avec le recul, est tout à fait un trait de personnalité chez elle !

Mais les soucis ont rapidement obscurci le tableau. Déjà les premiers jours, j’étais inquiète de ne pas voir son transit fonctionner « normalement ». J’avais eu un premier bébé, je savais à quoi ressemblaient les selles des premiers moments, et là, je ne les reconnaissais pas. Les infirmières de l’ONE étaient rassurantes, je cherchais du côté des allergies alimentaires, mon dada depuis la naissance de mon aîné, mais rien ne semblait remettre de l’ordre dans son petit bidou joli.

Et puis, le 5 janvier 2015, Éline avait six semaines, nous avons reçu une lettre nous demandant de faire de nouveaux tests chez notre fée car les résultats sanguins du test de Guthrie concernant la mucoviscidose étaient douteux. Nous avons donc suivi la procédure : le test de sueur a été effectué sur notre petite merveille. Il s’agit d’un test indolore et non intrusif, qui consiste à stimuler la production de sueur sur les deux avant-bras du patient et de la récolter afin de la faire analyser et d’y mesurer les taux de sel et de chlore, anormalement élevés chez les personnes avec une mucoviscidose, qui « perdent leur sel ». On parle de « baiser salé ». J’avais bien remarqué qu’elle avait la peau salée, ma petite fée, mais je n’imaginais pas qu’il s’agissait d’un symptôme de quoi que ce soit avant de recevoir le diagnostic.  Il « suffisait » d’attendre huit jours. Huit longs jours durant lesquels nous sommes passés par tous les sentiments possibles. Jusqu’aux résultats, le vendredi 16 janvier 2015 à 9h30, avec l’appel de son désormais pneumologue référent : notre toute petite est malade.

Je me souviens de chaque détail de cette journée. Le choc, les larmes, l’angoisse, les appels à passer, les annonces à faire, l’angoisse, les larmes, la peur, la tristesse, l’angoisse, l’espoir, l’épuisement, l’angoisse,…

C’est ce passage que j’ai réécrit cent fois. Il y a la version larmoyante minute par minute, la version factuelle, la version optimiste,…

Bref, nous nous sommes retrouvés une heure plus tard dans le bureau du médecin, avec notre puce, afin d’entendre tout ce qu’il y avait à savoir sur ce qui l’attendait, nous attendait.

La mucoviscidose est une maladie qui atteint principalement les voies respiratoires et digestives. Elle rend le mucus qui tapisse les organes plus épais et collant. Au niveau des voies respiratoires, cela a pour effet que les bactéries et autres saletés qui arrivent dans les poumons ne sont pas évacuées naturellement par les bronches, grâce à la toux, par exemple. Elles stagnent dans le mucus et créent des infections à répétition, les poumons s’abîment de lésions irréversibles et sont de moins en moins efficaces, le patient perd peu à peu sa capacité pulmonaire et le corps finit par s’épuiser. Au niveau digestif, le mucus bloque le passage des enzymes digestives produites par le pancréas à destination de l’estomac. Les aliments passent par le système digestif mais celui-ci ne peut pas assimiler le gras, les vitamines, les minéraux, toutes les bonnes choses. La prise de poids et la croissance sont alors rendues difficiles.

Il n’y a aucun traitement pour soigner la maladie. On l’attend. On l’espère. La recherche est optimiste.

Mais il existe un traitement de fond qui fait ses preuves pour améliorer les conditions de vie des malades et prolonger leur espérance de vie (autour de 40 ans à l’heure actuelle).

C’est ainsi que notre petite fée bénéficie aujourd’hui d’un suivi en béton, hyper bien organisé et cadré. Et c’est sans doute grâce à cela qu’elle est aussi en forme actuellement !

Le suivi combine plusieurs acteurs tous aussi importants les uns que les autres :

  • Les médicaments : enzymes pancréatiques de synthèse, anti-reflux, aérosols, antibiotiques sous diverses formes, vitamines en compléments sur mesure, suppléments en sel…
  • Les professionnels de la santé : médecins spécialisés organisés en Centres Muco (8 en Belgique), permettant des visites pluridisciplinaires avec des pneumologues, des gastro-entérologues, des kinés, des diététiciens, des psychologues…et la kinésithérapie respiratoire spécialisée trois fois pas semaine au minimum pour aider à la fluidification du mucus et à la musculation de la cage thoracique.
  • L’activité physique.

La mucoviscidose est une maladie exigeante, elle nous demande beaucoup d’énergie, une vigilance de tous les instants, et un traitement rigoureux chaque jour. Le quotidien d’Éline est organisé autour de ses prises dé médicaments et de ses séances de kinésithérapie. Pas de répit pour les warriors !

Dès l’annonce de la pathologie, et bien qu’ils aient été encourageants et optimistes, les soignants ont suggéré qu’il était préférable qu’Éline ne fréquente pas de milieu d’accueil avant sa rentrée en maternelle. J’étais dans une période sans emploi et cela m’a paru naturel de rester à la maison les trois premières années de notre fille. Ce fut également l’occasion de me pencher sur le bien être de mon aîné qui a aussi de nombreuses difficultés dans un tout autre domaine, et d’opter pour l’instruction en famille. Comme tous les nids à microbes, virus et bactéries, nous évitons également les piscines (alerte à l’eau stagnante), les lieux clos, les nez qui coulent, les toux grasses, les réunions de famille si les rhumes sont trop nombreux, les salles d’attente, les déplacements inutiles dans les périodes plus risquées (temps froid et humide, terrain bactériologique à risque découvert dans les aspirations nez/gorge de ma fée lors des examens de contrôle). On a obtenu un « Fastpass » aux urgences : pas de queue dans la salle d’attente bondée, on a un petit bureau à part et on passe en priorité ! C’est notre côté V.I.P. !

C’est une maladie lourde, et nous vivons dans le désir profond de faire en sorte que la vie d’Éline soit la plus normale possible, alors nous portons le poids de tout ce qu’elle implique afin que notre fée soit plus légère et volète d’une activité à l’autre. Nous lui expliquons ce qu’elle a, lui apprenons l’utilité de ses médicaments, des masques en papier qu’il faut parfois porter pour se protéger, du désinfectant pour les mains…Et, dans les moments plus compliqués, elle nous a déjà prouvé qu’elle est forte et courageuse pour nous tous.

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Nous ne savons pas de quoi sera fait l’avenir avec elle et pour elle. Bien que sa vie soit sur les rails de la normalité, il est plus que probable que sa scolarité et ses choix de vie soient influencés par son état de santé. Cela dit, aucun sport, excepté la natation, et aucune carrière ne lui sont interdits. Nous envisagerons les possibilités et les futurs au fur et à mesure, prendrons les décisions les plus pertinentes, mais nous ne voulons pas lui fermer des portes actuellement.

Heureusement, et malgré la solitude qui parfois nous serre la gorge, il existe une communauté muco soutenante et active autour du monde. Les histoires sont différentes, les suivis et traitements aussi, mais il existe un lien invisible entre nous, enfin, pas toujours invisible puisque pour certains nous partageons des gênes communs.

En Belgique, c’est l’Association Belge de Lutte contre la Mucoviscidose qui organise les fonds pour la recherche et le soutien aux familles. Elle est précieuse, dès l’annonce de la maladie. Peu de temps après le diagnostic, nous avons reçu un premier paquet de la part de l’association, qui contenait une lettre personnelle, de la documentation et les publications éditées avec leur soutien. Nous n’étions pas prêts à nouer le contact avec d’autres personnes touchées par la maladie, mais nous avions déjà le sentiment que nous n’étions pas seuls.

A présent, nous multiplions doucement mais sûrement les moments passés avec et pour l’association. Un colloque pour nous informer des dernières actualités concernant la recherche et les traitements, des moments de partage, des mails échangés pour diverses questions. Nous avons même représenté la communauté muco à un évènement caritatif fin juillet, l’occasion de sensibiliser le grand public à cette maladie qui fait désormais partie de notre vie. Actuellement, nous vendons des articles destinés à récolter des fonds.

En plus de l’association, il faut aussi souligner l’accompagnement que met en place le Centre de Référence Muco. Dans notre cas, ils sont vraiment des interlocuteurs indispensables à notre compréhension et à notre autonomisation face aux spécificités de la maladie. Dès le départ, ils nous ont positionnés comme des acteurs à part entière de la santé de notre fille. Nous ne nous sommes à aucun moment sentis placés sous une quelconque autorité médicale, nous collaborons ensemble pour le bien-être d’Éline. Je ne compte plus les appels en détresse que j’ai passés à l’infirmière référente, les questions pointues que je leur ai posées, les coups de mou partagés dans leurs bureaux. Ils sont des piliers solides sur lesquels nous déposons tout notre espoir et toute notre détermination à voir notre fille être plus forte que la maladie.

Je mentirais si je disais que la vie avec la maladie est facile. En tant que parent, c’est une chose, mais il y aussi notre vécu en tant qu’individu, et en tant que couple. Nous avons été mis en garde : de nombreux couples explosent quand un diagnostic d’une telle ampleur est posé. Et il est vrai que c’est très difficile de tenir le cap quand on souffre, quand on se sent peu valorisé, voir pas du tout par moment, quand on a la tête dans le guidon, quand on ne voit pas les choses de la même façon…Il y a mille raisons de ne plus réussir à investir le couple, d’autant plus quand le manque de temps et d’aide s’ajoute à l’équation.

Et cela n’est pas aisé non plus pour l’aîné, déjà hypersensible, d’apprendre à vivre avec une petite sœur malade, dans un climat d’inquiétude. J’ai souvent le sentiment de ne pas en faire assez pour lui, de ne pas suffisamment l’aider sur cette voie. J’essaie de l’impliquer dans les soins, de lui montrer aussi les avantages de la situation : nous sommes ensemble tous les jours, il ne fait pas de files aux parcs d’attractions quand sa sœur est avec nous, il comprend mieux la différence avec un grand d et devient très protecteur…

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La mucoviscidose est une maladie grave, à l’issue fatale. Et cette pensée ne nous quitte jamais. On ne s’habitue pas à l’idée qu’il faudra peut-être passer par des moments d’angoisses extrêmes, voire pire. Il y a des jours où cette pensée me remplit le cœur de larmes, me donne la nausée, parfois je la regarde et je trouve la vie injuste et cruelle.

Mais la plupart du temps, comme nous l’avait prédit le médecin qui nous a accompagnés dans l’apprentissage de la maladie, on vit avec. La maladie est une bombe qui détruit tout et puis, tout se reconstruit autour, plus beau, plus fort. On est rodés pour le traitement, on l’organise, on ne peut pas oublier, mais on n’y pense pas en permanence. On vit. Elle vit. Elle a de grand yeux bleus ourlés de cils de poupée, elle a une voix rauque, et un sourire qui en dit long, elle rit, elle danse, elle nous fait des guilis, et papote sans arrêt. Elle a ce petit « je-ne-sais-quoi » qui aimante les gens autour d’elle. Elle nous complète et apporte beaucoup d’amour à notre famille. Elle a mis sur notre route des gens extraordinaires, des personnalités fortes et une solidarité sans limites. Elle a écarté de notre vie ceux qui n’avaient pas à en faire partie, et rassemblé ceux qui nous épauleront sans failles.

Éline a apporté avec elle le plus douloureux des cadeaux, qu’à cela ne tienne, nous en ferons un chemin de vie plus beau, plus éclatant, plus riche qu’il n’aurait été sans elle.

Qu’elle grandisse libre, d’être qui elle le souhaite, qu’elle soit consciente de la fragilité de la vie, de sa vie, et qu’elle la remplisse uniquement de ce qui la rendra heureuse, intensément et profondément.

Longue vie à toi, ma fée d’automne, ma Fleur de Sel, ma doudou, ma pipoune, ma princesse, ma douce, ma jolie, mon bébé…

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9 Commentaires
  • zoe
    septembre 7, 2016

    Courage. Toutes les mamans ne peuvent être que touchées par ce témoignage. Et merci pour la lumière apportée sur cette maladie.

  • Marie Decokidsn'co sur Facebook
    septembre 7, 2016

    J’ignorais tout de cette maladie ! Je partagerai ce précieux témoignage sur la page des BM demain.

  • Alidz Alice Savayan sur Facebook
    septembre 8, 2016

    Très très touchée par ces mots ( maux) et ce courage nourri par l’amour

  • delhaes
    octobre 4, 2016

    Virgi tu ma fait pleurer du debut as la fin . Je ne connaisais pas particulierement cette maladie . Mes sachent que du fond du coeur nous sommes avec toi meme de loin je pense fort as vous et vous etes une famille formidable et des patents incroyable je vous envoies de gros calin as vous 4 . Evelyne philippe et les enfants

  • Priscilia
    novembre 11, 2018

    Comme je vous comprends… j’ai appris le 28 août cette année que mon petit prince de 3 ans est également atteint par cette maladie 🙁 Vos maux sont les miens… elle dévaste tout sur son passage, notre joie de vivre, nos espoirs, nos rêves, mon cœur est en mille morceaux. J’ai beaucoup de mal à m’y faire, et à accepter cet horrible diagnostic mais je ferai tout, jusqu’à mon dernier souffle je dis bien tout ce que je pourrais pour aider mon fils et le préserver pour qu’un jour, je le souhaite du plus profond de mon âme il puisse guérir, ainsi que tous les autres malades. Je vous souhaite énormément de courage ainsi qu’à votre petite fée ‍♀️ Que dieu préserve nos enfants

    • Mélanie
      octobre 8, 2019

      Bonjour, le test de Guthrie a la naissance etait negatif ? Mon fils a 11 mois et on doit faire le test de la sueur pour savoir si c’est ça ….

  • Manou
    décembre 15, 2018

    Je suis grand mère d’une petite fille de 21 mois diagnostiquée à la naissance. Je reconnais bien là le contexte compliqué pour les parents…La vie devenue tout à coup solitaire. Tout tourne autour de cette maladie qui oblige tout le monde à faire abstraction de beaucoup de choses et à être vigilant au quotidien. C’est très difficile pour le couple…et comment faire comprendre autour de soit, à La famille, aux amis, que l’on ne peut pas se réunir et faire la fête comme avant…que l’on doit franchir le seuil de cette maison familiale en connaissance de cause !!! Pas de rhume, d’angine, de toux..lavage de mains, baccide, lingettes etc et parmi tout cela une petite reine « qui pète le feux » toujours de bonne humeur, un rayon de soleil dans notre vie.

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